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Analyse des membres du front

Accord de gouvernement : les sans-papiers sont encore une fois méprisé·e·s !

Publié le 10 novembre 2020

Plu­sieurs mil­liers d’hommes, de femmes et d’enfants sur­vivent en Bel­gique privé·e·s de titre de séjour, sou­vent depuis de nom­breuses années. La crise sani­taire accen­tue encore leur pré­ca­ri­té, ce qui rend par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile la mise en œuvre des mesures de pré­ven­tion impo­sées par les auto­ri­tés et les met en dan­ger. Le nou­veau gou­ver­ne­ment s’obstine pour­tant à ne pas les entendre, à n’apporter aucune solu­tion à leur situa­tion et à n’envisager que des mesures d’exclusion et de répres­sion à leur encontre.

Aux quatre coins du pays, les per­sonnes sans papiers sont nos voisin·e·s, nos ami·e·s, les cama­rades de classe de nos enfants. Elles tra­vaillent sur les chan­tiers de construc­tion, dans l’Horeca, dans l’agriculture, fabriquent des masques pour nous pro­té­ger, par­tagent notre quo­ti­dien dans toutes les sphères de la socié­té, par­fois même sans que l’on ne sache qu’elles sont “sans papiers”.

La majo­ri­té d’entre elles sont “employées” dans l’économie infor­melle, où salaires de misère, condi­tions de tra­vail pénibles, voire dan­ge­reuses, horaires dépas­sant les 12 heures de labeur et absence totale de pro­tec­tion sont la norme. Les témoi­gnages d’accidents de chan­tier qui se soldent par des décès ou des han­di­caps lourds, sans qu’aucune aide ni com­pen­sa­tion ne soient accor­dées à la vic­time ou à sa famille sont nombreux…

Depuis le mois de mars, les mesures de confi­ne­ment ont fait perdre leurs sources de reve­nus à la très grande majo­ri­té des per­sonnes sans papiers, les plon­geant dans une pau­vre­té extrême, qui ne leur per­met pas de suivre les mesures déci­dées par les auto­ri­tés pour faire face à l’épidémie. Bien que cer­tains droits fon­da­men­taux leurs soient recon­nus (dont l’accès à la sco­la­ri­té et à la san­té), ils se révèlent très dif­fi­ciles à faire valoir dans la pra­tique. L’aide médi­cale urgente ne per­met pas à elle seule de garan­tir un accès suf­fi­sant à la santé.

De très nom­breuses per­sonnes, iso­lées ou en famille, n’ont pas d’autre choix que de vivre dans des lieux col­lec­tifs. Elles y par­tagent des espaces très réduits, où il est par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile de res­pec­ter les mesures de dis­tan­cia­tion phy­sique, ou de “bulle sociale res­treinte”. Dif­fi­cile éga­le­ment de consa­crer une part d’un bud­get déjà insuf­fi­sant à l’achat de gel hydro­al­coo­lique, ou de masques à usage unique…

Des études uni­ver­si­taires montrent pour­tant que les per­sonnes sans papiers contri­buent à l’économie de l’ensemble de la socié­té. Une fois régu­la­ri­sées, elles par­ti­cipent au finan­ce­ment des pen­sions et à la sécu­ri­té sociale ce qui, d’un point de vue stric­te­ment éco­no­mique, per­met­trait d’aider à sur­mon­ter la crise actuelle.

De nom­breuses voix se sont levées ces der­niers mois pour sou­te­nir les appels des sans-papiers : des membres du monde aca­dé­mique ont rédi­gé des pro­po­si­tions, des villes et des com­munes ont voté des motions de sou­tien à la régu­la­ri­sa­tion, des acteurs du sec­teur du sans-abrisme, des méde­cins de l’Institut de Méde­cine tro­pi­cale d’Anvers, des viro­logues, des com­mu­nau­tés reli­gieuses… ont inter­pel­lé les autorités.

Et ? Rien. Les per­sonnes sans papiers sont tou­jours igno­rées, lais­sées pour compte, méprisées.

Pour seule réponse, le nou­veau gou­ver­ne­ment men­tionne dans son accord qu’elles seront “inté­grées dans la stra­té­gie glo­bale de dépis­tage des auto­ri­tés fédé­rales et des enti­tés fédérées”.

Le gou­ver­ne­ment annonce la construc­tion de nou­veaux centres fer­més et l’augmentation des retours for­cés. La “com­mis­sion Bos­suyt” pro­pose d’allonger la peine de pri­son liée au séjour irré­gu­lier de 3 mois à 1 an. Dans ce contexte, com­ment le gou­ver­ne­ment peut-il ima­gi­ner que les per­sonnes sans papiers vont oser se signa­ler pour être “inté­grées dans la stra­té­gie glo­bale de dépis­tage”? Com­ment peut-il pen­ser qu’un tra­cing sera effi­cace en l’absence de garan­ties contre les risques d’arrestation et d’expulsion ?

L’épidémie de coro­na­vi­rus est une cir­cons­tance par­ti­cu­liè­re­ment excep­tion­nelle, qui devrait être prise en compte dans le cadre des demandes intro­duites sur base de l’article 9bis de la loi de 1980 et jus­ti­fier l’octroi d’un titre de séjour aux per­sonnes qui en sont pri­vées. Il est urgent de leur per­mettre de sor­tir de la grande pré­ca­ri­té, de mener une vie digne, d’être en mesure de se pro­té­ger et de pro­té­ger les autres.

En s’y refu­sant, le gou­ver­ne­ment hypo­thèque la san­té de l’ensemble de la popu­la­tion vivant en Bel­gique, en pri­vi­lé­giant des enjeux poli­tiques par­ti­sans aux dépens de l’intérêt géné­ral. Ce n’est pas acceptable.

Signataires

AFI­Co asbl, Agir pour la paix, Ami­tié sans fron­tières – Vriend­schap Zon­der Gren­zen, ASBL Les Nou­veaux Dis­pa­rus, BESP – Bureau d’étude des sans-papiers, Bruxelles Laïque, Cabi­net d’avocats du Quar­tier des Liber­tés (Bruxelles), CAI – Centre d’Action Inter­cul­tu­relle de la pro­vince de Namur, CBCS – Conseil bruxel­lois de coor­di­na­tion socio­po­li­tique, Centre Cultu­rel Edu­ca­tif Ver­vié­tois, Centre d’Action Laïque de la Pro­vince de Liège, Centre de Média­tion des Gens du Voyage et des Roms en Wal­lo­nie, Centre Social Pro­tes­tant Bruxelles, Cepag ver­vié­tois, CeRAIC – Centre Régio­nal d’Action inter­cul­tu­relle du Centre, CIMB – Centre Inter­cul­tu­rel de Mons et du Bori­nage, CINL – Centre pour Immi­grés Namur Luxem­bourg, CIRÉ, CNCD 11.11.11, Col­lec­tif Char­le­roi soli­da­ri­té migrant·e·s, Col­lec­tif des Afghans sans papiers, Col­lec­tif For­ma­tion Socié­té (CFS asbl), Col­lec­tif Lati­nos Por la Regu­la­ri­za­ción, Col­lec­tif lié­geois de sou­tien aux sans-papiers, Col­lec­tif Migrant Libre, Col­lec­tif Ver­vié­tois de Sou­tien aux Sans-Papiers, Comi­té des femmes sans-papiers, Coor­di­na­tion des Sans-Papiers de Bel­gique, Coor­di­na­tion Wal­lonne des Migrants en Tran­sit, CRACPE – Col­lec­tif de Résis­tance Aux Centres Pour Etran­gers, CRIBW – Centre Régio­nal d’Intégration du Bra­bant-Wal­lon, CRIC – Centre Régio­nal d’Intégration de Char­le­roi, CRILUX – Centre Régio­nal d’Intégration de la pro­vince du Luxem­bourg, CRIPEL – Centre Régio­nal pour l’Intégration des Per­sonnes Etran­gères ou d’origine étran­gère de Liège, CRVI – Centre Régio­nal de Ver­viers pour l’Intégration, CSC Bruxelles, CSC Natio­nale, Edi­tions du Ceri­sier, Equipes Popu­laires Ver­viers, Espace 28, Espace Seniors asbl, Fede­raal ABVV – FGTB Fédé­rale, Fédé­ra­tion des Ser­vices Sociaux, Femmes Pré­voyantes Socia­listes, FGTB Bruxelles, FGTB Namur, FGTB Ver­viers, FGTB Wal­lonne, Front social-cli­mat “Rendre Visible l’Invisible”, Groupe mon­tois de Sou­tien aux Sans-Papiers, House of com­pas­sion – Begi­jn­hof­kerk, Jeunes FGTB Ver­viers, JOC Ver­viers, L’école des soli­da­ri­tés, La Belle Diver­si­té, La Voix des Sans Papiers Bruxelles, La voix des sans papiers de Liège, La Voix des Sans-Papiers de Ver­viers, Le Lama asbl, Le Monde des Pos­sibles, Ligue Bruxel­loise pour la San­té Men­tale, Ligue des Droits Humains, Lire et Ecrire Ver­viers, Mai­son du Peuple d’Europe, Marche des Migrant·e·s de la Région du Centre, Mila­dy Renoir, poé­tesse soli­daire de la lutte des sans-papiers, Mou­ve­ment Ouvrier Chré­tien, MRAX, PAC Namur, PAC Ver­viers, Pla­te­forme Citoyenne @Bxlrefugees Bur­ger­plat­form, Plus tôt te laat, Point d’appui, Pré­sence et Action Cultu­relles, Pro­jet « Y’en a marre !!! », Réseau ADES, Réseau d’Aide aux Toxi­co­manes, Revert, RWLP – Réseau Wal­lon de Lutte contre la Pau­vre­té, Sans-Papiers TV, sanspapiers.be, Scrip­ta­Li­nea ais­bl, Smes asbl, SOS Migrants, Vie Féminine.

A lire sur le site du Ciré : https://www.cire.be/communique-de-presse/accord-de-gouvernement-les-sans-papiers-sont-encore-une-fois-meprisees/?idU=1&fbclid=IwAR280u0SPCnv94KNAWGdTWvV2fjG13kAJRvpOdLbErLgmsUd5jBDj4jAyas

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