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Analyse des membres du front

Carte blanche d’Action logement Bruxelles, membre de Faire Front : « Le droit au logement reste un droit, même en temps de crise sanitaire »

Publié le 17 novembre 2020

Com­ment deman­der aux Bruxel­lois et Bruxel­loises de res­pec­ter les déci­sions du gou­ver­ne­ment, dans un contexte où ce der­nier conti­nue d’ignorer l’urgence de s’assurer d’un toit pour toutes et tous ? Com­ment légi­ti­mer cette injonc­tion à res­ter chez soi – tout en conti­nuant à payer son loyer ou à rem­bour­ser son emprunt hypo­thé­caire –, alors même que bon nombre de tra­vailleurs et tra­vailleuses voient à nou­veau leurs reve­nus dimi­nuer ou dis­pa­raître ? Com­ment s’attendre au res­pect d’un couvre-feu, lorsque bon nombre de per­sonnes vivent à la rue et que des cen­taines de ménages sont sous la menace d’une expul­sion domi­ci­liaire pour loyers impayés ?

Une soli­da­ri­té encore plus indispensable

Bien que lar­ge­ment insuf­fi­santes, des mesures avaient été prises lors de la pre­mière vague pour faire face à la situa­tion d’urgence en matière de loge­ment. Il s’agissait notam­ment d’un mora­toire sur les expul­sions domi­ci­liaires et de la réqui­si­tion et mise à dis­po­si­tion de bâti­ments pour un héber­ge­ment d’urgence… (1) Il est à mini­ma impé­ra­tif qu’elles soient recon­duites immé­dia­te­ment. Si la soli­da­ri­té était une néces­si­té pour sur­mon­ter la pre­mière vague, elle l’est encore davan­tage aujourd’hui, alors que les ménages ne se sont tou­jours pas remis des effets du pre­mier confinement.

Ces mesures néces­saires n’offrent qu’un répit tem­po­raire. Recon­duites, elles ne feraient que repous­ser l’échéance des rem­bour­se­ments de dettes, de pro­cé­dures d’expulsion, de retours à la rue. Pour que les plus pré­caires d’entre nous ne paient pas les pots cas­sés de la crise une fois que la pan­dé­mie ne fera plus par­tie de l’attention poli­tique et média­tique, il faut annu­ler les loyers, et annu­ler les rem­bour­se­ments des cré­dits hypo­thé­caires des pro­prié­taires-occu­pants, et ce pour toute la période de crise sanitaire.

D’autres mesures doivent être prises à plus long terme pour faire face à la mon­tée ful­gu­rante des prix, qui annonce un dan­ge­reux appro­fon­dis­se­ment de la crise sociale. En effet selon l’office belge des sta­tis­tiques, au pre­mier semestre 2020, les prix de l’immobilier ont connu une forte hausse, ce qui cau­se­ra imman­qua­ble­ment une hausse des loyers, et les prix des loge­ments en Région bruxel­loise sont par­ti­cu­liè­re­ment éle­vés. Déjà avant le début de la crise sani­taire, plus de 50 % des loca­taires avaient des dif­fi­cul­tés à payer leurs loyers, aujourd’hui la situa­tion est pire. Des per­sonnes sans-abri conti­nuent à vivre dans la rue, d’autres ont per­du leur loge­ment faute de moyens, faute de tra­vail, faute d’aide publique néces­saire. Les inves­tis­seurs eux s’en sont don­né à cœur joie, les prix du fon­cier ont connu une forte hausse, les expul­sions ont à nou­veau été per­mises depuis le mois de sep­tembre. Cette situa­tion n’est pas seule­ment inac­cep­table, elle est scan­da­leuse et dangereuse.

Des mesures d’urgence

Pour les loca­taires et les petits pro­prié­taires, man­ger ou se loger ne doit pas être un choix.

Les gros pro­prié­taires ont les moyens d’assumer la perte de quelques loyers. On pour­rait alors dire que cha­cun prend sa part du coût de la crise. Cela serait un pas vers l’instauration d’une forme de jus­tice sociale.

Nous exi­geons des mesures d’urgence effi­caces et fon­da­men­tales pour faire face à cette crise. Celles-ci, pour réel­le­ment avoir du sens, devront res­ter en vigueur jusqu’à la fin de la crise sani­taire et la reprise de la vie sociale et éco­no­mique. Nous exigeons :

1. Un mora­toire sur les expul­sions domiciliaires.

2. La réqui­si­tion et mise à dis­po­si­tion de bâti­ments d’habitation pour la mise en place des struc­tures d’accueil, capables de loger tous ceux et toutes celles qui ris­que­raient de se retrou­ver à la rue, ou qui le sont déjà, et ce dans des condi­tions dignes.

3. L’annulation des loyers dus pen­dant toute la période de crise sani­taire pour les loca­taires. Cette annu­la­tion des loyers pour­rait être accom­pa­gnée d’une aide publique pour les bailleurs pou­vant four­nir une preuve de la néces­si­té de cette aide pour assu­rer leurs besoins fondamentaux.

4. L’annulation des cré­dits hypo­thé­caires des pro­prié­taires-occu­pants ayant un reve­nu bas.

5. La sus­pen­sion des mesures répres­sives liées à la loi anti-squat.

Ces mesures d’urgence consti­tuent, en ce contexte de crise, le strict mini­mum pour ne pas som­brer dans le cynisme le plus com­plet. Au-delà de l’urgence, se pose effec­ti­ve­ment la ques­tion du droit au loge­ment, de manière générale.

(1) Une aide unique de 214,68 euros aux loca­taires pauvres ayant subi une perte de reve­nus avait éga­le­ment été mise en place. Cette mesure, au-delà du fait d’être par­fai­te­ment déri­soire, est par­ti­cu­liè­re­ment pro­blé­ma­tique dans la mesure où il s’agit avant tout d’une aide indi­recte aux pro­prié­taires. L’injonction à conti­nuer à payer son loyer – coûte que coûte – accom­pa­gnait sa mise en œuvre. À cela, nous avions, lors du confi­ne­ment, de la pre­mière vague covid, oppo­sé la reven­di­ca­tion d’une annu­la­tion des loyers accom­pa­gnée d’aides ponc­tuelles aux pro­prié­taires pauvres.

Un article à trou­ver dans le jour­nal Le Soir du 30/10/2020 dis­po­nible en accès libre ici.

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