Bruxelles, le 22 février 2021
A Madame la Ministre de la Culture B. Linard
Vice-Présidente et Ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des Femmes de la Fédération Wallonie-Bruxelles
A Monsieur le Ministre président P‑Y Jeholet
et au gouvernement de Fédération Wallonie-Bruxelles
A Monsieur le Premier Ministre A. De Croo
et au gouvernement fédéral belge
A Madame la Ministre A. Verlinden
ministre de l’Intérieur, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique
Madame la Ministre,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre-Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Nous ne sommes pas des artistes, ni des travailleurs du monde de la culture. Mais nous avons soif de culture !
Nous représentons des syndicats de tous les secteurs du public et du privé, des organisations de défense des droits des femmes, des ONG de développement, des mouvements écologistes, de lutte contre la pauvreté, pour la justice fiscale ou pour le droit au logement. Des collectifs de pensionné-es, d’éducation permanente, de solidarité locale, d’insertion sociale, d’aide aux familles, etc. Notre travail, nos projets, nos membres, notre vie démocratique ne peuvent pas se passer plus longtemps de lieux de culture, d’échanges, de créations et de partage.
Les artistes paient un très lourd tribut depuis le début de la crise. Depuis près d’un an, la précarité les touche de plein fouet – sans qu’ils reçoivent le même soutien que des secteurs que, visiblement, vos gouvernements ont jugés plus « essentiels » Et pendant que leurs frigos se vident, un vide de sens s’installe dans nos démocraties.
Il est parfaitement illégitime et scandaleux que les espaces culturels restent fermés pendant que les foules continuent de se rassembler dans les supermarchés et les centres commerciaux.
Les travailleur·se·s de la culture, des lieux culturels et des fédérations artistiques ne se résignent pas. Via le rassemblement Still Standing, ils ont lancé avant-hier, partout en Belgique, un appel à agir, un appel à Faire Culture : « De là où nous sommes, chacun.e avec nos moyens et nos spécificités, nous ferons culture en campagne, en ville, dans la circulation, dans les transports en commun. Nous ferons culture dans les files d’attente, les lieux de consommation, les musées ou les lieux de culte. Sur les ondes, les trottoirs, les vitrines, les murs ou les façades. Dans les rues, ou sur nos balcons. ».
Ces acteurs et actrices sont responsables : ils et elles agissent en respectant les gestes barrières. Ils sont aussi solidaires : ils n’agissent pas seulement pour leur petite chapelle. Ils agissent « solidairement avec toutes les personnes et tous les secteurs frappés par l’épidémie ou par sa gestion, en revendiquant une approche de l’épidémie qui se soucie des risques sociaux, psychosociaux et économiques, des droits et des libertés, en célébrant la journée mondiale de la justice sociale, et en rappelant que ce sont les plus faibles qui pâtiront le plus de la crise. »
La culture est essentielle pour les mouvements sociaux, les travailleur.se.s, les femmes, les jeunes, les seniors, les précaires … et pour la démocratie. Elle constitue un outil fondamental pour transformer la société, l’améliorer, nous permettre de traverser les crises. Elle participe à une meilleure compréhension du monde. Elle nous pousse à plus de solidarité et de tolérance à l’égard de « l’autre ». Par sa capacité à déconstruire les représentations dominantes, elle démultiplie la puissance de l’éducation populaire, et mobilise pour les luttes sociales.
En privant les artistes de leur art et de leur public, nos représentants amputent les mouvements sociaux et privent les citoyen-nes (en particulier les plus précaires) d’une partie importante de leur force. Qu’il soit ouvrier, féministe, antiraciste ou environnementaliste, aucun mouvement ne s’est construit en dehors de la culture. Nous avons besoin des théâtres pour articuler une pensée critique, pour concrétiser de nouveaux droits, pour faire vivre la démocratie.
La Coalition Faire Front n’entend pas ici se prononcer sur le bien-fondé des mesures de lutte contre la pandémie en général : elle concentre son appel sur l’urgence de permettre la réouverture de lieux de culture et l’activité des travailleur.se.s du secteur, avec le soutien public adéquat à cette reprise dans de bonnes conditions.
Nous notons que la ministre nous redit depuis des mois « nous sommes prêts à ouvrir dès que la situation sanitaire le permettra » sans amener aucun élément critique sur ce que la situation sanitaire permettait déjà. Réunir des gens ? Visiblement, dans le métro, au boulot, dans les centres commerciaux c’est possible depuis longtemps ! Ce matin elle dit : « la situation sanitaire permet de rouvrir ». Ce faisant, elle ne change toujours pas de paradigme ! « La situation sanitaire », ça veut dire quoi ? Si les courbes remontent, on referme la culture ?! Cette crise n’est pas prête de s’arrêter : les raisonnements d’urgence de mars avril 2020 ne permettent pas de répondre à la longue crise qui est derrière et devant nous. Nous vous demandons, Madame la Ministre, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre-Président, de changer de paradigme : la culture doit revivre maintenant, elle doit vivre et nous aider à vivre dans les longs mois de pandémie qui nous attendent encore. Votre rôle n’est pas d’attendre que « les conditions soient favorables » : votre rôle est de permettre la vie culturelle la plus riche et la plus libre dans les conditions que nous vivons, et que si des efforts doivent être consentis collectivement, le poids en soit réparti sur les différents secteurs, plutôt que d’assigner toute notre activité possible au profit et à la consommation.
C’est pourquoi, nous sommes rassemblés ce matin devant le cabinet de la Ministre de la Culture, avec des représentant.e.s de la diversité de la coalition de Faire Front, pour affirmer clairement que nous, actrices et acteurs sociaux, écologistes, féministes, étudiant-es, pensionné-es, syndicalistes, ONG, collectifs, « nous avons soif de culture ! ». Et pour vous demander avec la plus grande insistance, Madame la Ministre, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre-Président, de prendre d’urgence avec vos gouvernements et au sein du Codeco, des mesures qui permettent très rapidement une réouverture concertée et durable avec les acteurs et actrices des lieux culturels.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre-Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, l’assurance de notre considération, et de notre détermination à lutter pour que vivent la culture, la justice sociale et la démocratie.
Faire Front est un espace de convergence des mouvements sociaux né au début du premier confinement, qui réunit plus de 100 organisations, associations ou collectifs qui revendiquent, ensemble, une rupture démocratique, sociale et écologique !
Pour éviter de revenir à l’anormal, Faire Front a défini 4 priorités transversales qui sont, en résumé :
- Dégager massivement de nouvelles ressourcesen remettant en cause les politiques budgétaires et monétaires austéritaires.
- Faire payer les riches, le monde de la finance et les multinationales,via une refonte radicale, solidaire et transparente des politiques fiscales, des monnaies et des dettes
- Renforcer et élargir la protection sociale, les services publics et non-marchands – y compris l’enseignement, l’économie sociale et solidaire, le logement social, l’action associative et la culture.
- Investir en urgence dans la transition écologiquepar des investissements publics dans les secteurs nécessaires à la pérennisation de la société
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